We have a lift-off!

Hackerspace à Nanterre

We have a lift-off!

Après deux ans de travail et au terme d’une semaine de travail acharné et d’ascenseurs émotionnels violents, nous y sommes arrivés : la fusée expérimentale Alpha Rocket de l’Electrolab a décollé !

Il n’y avait pas forcément grand monde qui y croyait : lors de la dernière Rencontre des Clubs Espace de l’année, le point de passage organisé par Planète Sciences (PlaSci) pour valider que les projets de fusée pourront être lancés lors de la campagne nationale C’Space de mi-juillet, notre suiveur de projet nous avait fait remarquer que ce serait seulement au prix d’un immense coup de collier dans la dernière ligne droite que nous arriverions à lancer. Et il est clair qu’en voyant encore à l’époque les quelques pièces éparses, nous n’étions nous-mêmes pas hyper confiants sur notre capacité à défier la gravité…

Mais c’était sans compter l’esprit de combativité qui a animé l’équipe, qui s’est battue comme Rocky Balboa pour sortir des cordes et arriver au bout des nombreux obstacles qui restaient encore. L’un des gros sujets a été la découpe de la porte d’éjection du parachute, réalisée par découpe plasma, et sur laquelle j’ai dû longuement m’exercer avant de me lancer, rempli d’appréhension, dans la découpe du tube final. Je n’avais pas le droit à l’erreur, nous n’avions pas de tube de remplacement !

Finalement, avec le support psychologique de Nico et Zakaria, le résultat s’est avéré OK – découpe pas très propre, mais la forme générale était bien là, et l’écart entre la trappe et le tube était similaire à ce que nous aurions obtenu en découpant à la scie. Reste qu’il a fallu limer un bon coup pour réduire les aspérités.

Les ailerons et leur intégration ont aussi été un gros sujet. Avec la guidance et le marteau de Steve notre carrossier spatial, nous sommes arrivés à un résultat qui nous semblait satisfaisant, plus ou moins validé sur photos par PlaSci, et finalement pendant la campagne C’Space, c’est le point qui a été validé le plus rapidement. Nous avons quand même appris après le lancement qu’on avait fait rire toute l’équipe de suiveurs PlaSci avec nos ailerons redressés au marteau de carrossier….

Dans les deux dernières semaines, nous avons mobilisé nos week-ends et deux soirées par semaine, pour culminer en une journée entière au lab le 14 juillet, la veille du départ. Il restait encore la quasi totalité de l’intégration à réaliser, et Nico s’est lancé à la découverte de la découpe laser pour réaliser des structures de support des cartes électroniques en plexiglass. Pendant ce temps, Zakaria s’activait sur la télémétrie basée sur du Lora, tandis que Vivien perçait et fraisait des trous pour les jacks de mise en marche des expériences, que Mohcine finalisait de chez lui le soft de contrôle de roulis, et que je travaillais sur les derniers détails du système de récupération.

  

Et au soir du 14 juillet, bien fatigués de la journée, tout a été rangé dans le coffre de la voiture…

Le samedi, 11h de route pour arriver au Camp de Ger, base du 1er Régiment de Hussards Parachutistes près de Tarbes, où se déroulait pour la troisième année consécutive le C’Space.

Dès le dimanche matin, nous nous lançons sur les dernières tâches d’assemblage de la fusée et sur les derniers détails, dans un bâtiment d'”Assemblage Final” partagé avec de nombreuses autres équipes : il y a au total plus de 40 mini-fusées et 20 fusées expérimentales qui vont se présenter aux contrôles pour lancer pendant la campagne !

Mohcine arrive lundi matin avec le contrôle de roulis, et nous pouvons nous lancer dans les sessions de validation. Le cahier des charges défini par Planète Sciences et le CNES est épais : 93 pages de lignes de conduite à respecter, et la conformité à chacune est vérifiée avant le lancement. On nous disait qu’il fallait au moins compter 4 à 5h de contrôles avant de parvenir à la validation, et c’est en effet au minimum le temps que nous y avons passé, réparti sur plusieurs visites au bâtiment de contrôle, chaque fois avec une montée de tension lorsqu’un test ou une mesure était réalisé, en espérant qu’on soit dans les clous…

  

L’un des gros coups de massue reçus pendant les contrôles a été le rejet du système d’ouverture de la trappe du parachute : la gachette de porte sélectionnée initialement ne permettait pas un ouverture franche de la porte, et même selon la position de la fusée la gachette ne parvenait pas du tout à s’ouvrir. Nous nous en doutions déjà un peu avant d’arriver au C’Space, mais nous avions déjà passé tellement de temps sur l’année écoulée à trouver un système d’ouverture, et il nous restait tellement peu de temps sur la fin, que nous croisions les doigts pour que ça passe… et ça n’est pas passé.

Moralement, ce rejet a été très difficile. On avait peine à imaginer qu’on serait en mesure de revoir un composant aussi critique dans les moins de 3 jours qui nous séparaient du dernier jour du lancement. Nous nous sommes quand même résolus, un peu penauds, à faire le tour des autres équipes pour étudier leurs systèmes d’ouverture de trappe. En moins d’une heure, il était clair que les deux solutions les plus utilisées étaient un servomoteur ou un électroaimant. Le servo aurait été très compliqué à intégrer dans notre design existant, par contre l’électroaimant devait pouvoir passer, en usinant quelques pièces ad hoc. Par quasi miracle, l’excellente équipe de l’ESO disposait d’une petite boîte d’électroaimants, et ils ont accepté de nous en fournir un. 5h plus tard, autour de 23h30 le mardi soir, il était intégré et assorti d’un gros ressort, la trappe parachute s’ouvrait de façon franche et fiable.

Restait encore un travail significatif d’intégration de l’électronique, et quelques péripéties plus loin nous nous retrouvions le mercredi en fin de journée avec une fusée validée. Venait alors l’ultime étape avant le lancement : le vol simulé, où nous répétions devant le responsable des contrôleurs Planète Sciences et le responsable CNES des lancements la totalité de la chronologie que nous avions établie, checklist de toutes les étapes à réaliser avant, pendant et après la mise en rampe jusqu’au lancement. Pendant ce vol simulé, l’ensemble des expériences étaient effectivement testés.

Nous voilà arrivant à 23h mercredi soir devant les contrôleurs, complètement crevés… et avec une chronologie complètement bancale. On doit faire tellement de modifications en direct, les opérations sont tellement peu fluides, que les contrôleurs décident de nous renvoyer revoir notre copie, prendre une bonne nuit de sommeil, et repasser le lendemain matin avec la chronologie bien répétée et huilée. On se rend en plus compte à ce moment que la télémétrie, l’une de nos expériences principales, ne fonctionne pas correctement, et la nacelle qui contient les cartes électroniques du nez de la fusée commence à souffrir des démontages / remontages répétés, avec deux pas de vis sur 4 déjà cassés. Au bout du rouleau, nous continuons quand même à revoir et à perfectionner la chronologie dans notre dortoir jusqu’à 1h30, avant de tomber dans un sommeil troublé.

A 7h le jeudi matin, le réveil sonne, nous prenons un petit déjeuner en 4e vitesse et retournons à la salle d’intégration avant 8h. Nous avons 3 plans pour faire fonctionner la télémétrie correctement, si à 9h30 elle ne fonctionne toujours pas nominalement nous la désactiveront purement et simplement. Zakaria travaille sur le sujet sous grosse pression, pendant que Nico et Vivien cherchent comment lancer la GoPro embarquée sans avoir besoin de démonter la nacelle.

11h, nous nous dirigeons vers la salle de contrôle du vol simulé. La télémétrie fonctionne, notre chronologie a été simplifiée et répétée… Après encore une petite frayeur et un ajustement de dernière minute sur le déploiement du parachute au bout de la sangle, notre fusex est validée pour le lancement ! Je vis le moment solennel de signature du cahier des charges par Planète Sciences et le CNES comme en flottant, toute la tension des derniers jours semblant être tombée d’un coup, et en même temps une nouvelle excitation mêlée d’appréhension montant en moi.

Nous arrivons sur la zone de lancement autour de 13h30, et c’est à l’arrière d’un camion de l’armée, bien secoués sur les chemins agricoles, que nous sommes transférés vers la rampe.

Les opérations de mise en rampe se passent nominalement, et c’est le moment où l’on se rend compte de toute l’importance de la chronologie : on est tellement pris par la fatigue, l’émotion et l’excitation que sans cela, on aurait forcément oublié des étapes ! Une fois la fusée en rampe, nous retournons vers le pupitre de lancement, à environ 200 mètres de la zone de lancement, tandis que les pyrotechniciens du CNES vont installer le propulseur dans la fusée.

Quand ils reviennent, l’un d’entre eux me tend un boîtier de contrôle, il tient un bouton appuyé, je dois appuyer sur l’autre lorsque le décompte final se termine… 3, 2, 1, lancement ! La fusée s’envole et disparaît dans les nuages 300-400 mètres au-dessus de nous en moins de 3 secondes. Dans le silence imposé pendant un lancement, on entend une dizaine de seconde plus tard le “plop” qui annonce le déploiement du parachute. 40 ou 50 secondes plus tard, qui nous semblent des heures, on aperçoit la fusée qui sort des nuages, en train de faire des spirales sous parachute, à une vitesse de descente qui semble nominale. La vague de soulagement et de joie qui nous parcourt est phénoménale, conclusion de deux ans d’efforts et de persévérance, et d’une semaine de folie !

 

Le reste de l’après-midi se déroule comme sur un petit nuage, et se conclut vers 19h par la récupération de la fusée, tombée à peine à 300m de la rampe de lancement, un peu amortie par un lit de fougères. Si le tube en plexi s’est sectionné au moment de l’atterrissage, toute la partie en alu a parfaitement résisté : le système de contrôle de roulis est même encore parfaitement opérationnel !

La devise de notre participation à la campagne C’Space : “no pain, no gain!” Après les efforts à fournir tout au long de ces deux années, la persévérance nécessaire pour continuer à prendre sur nos temps personnels respectifs au-delà de la décision en juin 2016 de repousser à l’année suivante notre participation à la campagne, le dernier mois de travail au lab très intense et la semaine de C’Space complètement folle, la satisfaction et l’enthousiasme retrouvés dépassent largement tout ce que nous avons eu à dépasser pour en arriver là ! Et au-delà d’avoir vécu des expériences personnelles extrêmement enrichissantes, en tant qu’équipe nous avons forgés des liens très proches, aussi bien dans le “core group” des 5 participants au C’Space qu’avec l’équipe élargie au sein de l’Electrolab qui nous a soutenus et directement aidés et conseillés. Après tout ça, nous comptons bien continuer le travail et commençons déjà le brainstorming autour de la “Beta Rocket” !