OSXP 2023

Hackerspace à Nanterre

Open Source Experience 2023

OSXP 2023

L’Open Source Experience, salon annuel dédié à l’Open Source en France et en Europe, s’est tenu les 6 et 7 décembre, au Palais des Congrès de Paris.

Cette année, les thématiques se sont resserrées autour de la gouvernance, des solutions d’entreprise, du numérique responsable, de l’Open Hardware en industrie et de l’Intelligence Artificielle qui remplaçait le Clouding (so 2022).

Stands, conférences, tables rondes, ateliers, podcast et quiz géant, tout était réuni sur 48 heures pour rappeler l’importance et le dynamisme de l’Open Source, avec pour fil rouge la cybersécurité.

Il y avait aussi une vingtaine de conférences consacrées au Logiciel Libre, dont beaucoup, classées dans la thématique Numérique responsable.

Pierre-Yves Gosset, membre historique de l’indispensable association Framasoft, a par exemple présenté COIN COIN, pour COllectivisons INternet, COnvivialisons INternet. Cette initiative, lancée l’année dernière, succède à l’ambitieuse campagne Dégooglisons Internet qui a permis de mettre à la disposition du grand public près d’une quarantaine de services libres en SAAS.

Aujourd’hui, COIN COIN cherche à favoriser « l’adoption d’outils Web conviviaux par des collectifs solidaires qui partagent les valeurs du Libre ». Framasoft cible ainsi les petites associations et les collectifs militants qu’elle souhaite outiller et accompagner vers un numérique plus éthique, en suivant son mot d’ordre actuel « changer le monde, un octet à la fois ».

Dans cette même catégorie d’associations qui allient fabrication et diffusion de logiciels libres, la e-Foundation dispose, depuis 4 ans, d’un produit phare : /e/OS.

Présenté, en bon français, comme « a completely degoogled Android Open Source Project », /e/OS est un système d’exploitation basé sur LineageOS dont les applications sont « libres et vertueuses en matière de protection des données personnelles » précise Gaël Duval, qui a pensé le projet dès 2017.

Présent à l’OSXP pour intervenir sur le développement durable grâce au Logiciel libre, le président de l’e-Foundation (et pour celles et ceux qui s’en rappellent, le cofondateur de feu Mandrakesoft) n’en oublie pas pour autant de lister les nouveautés venues enrichir l’OS. Notamment App Lounge, un store embarqué qui attribue aux applications disponibles un « privacy score » basé sur le (fort utile) service français Exodus Privacy qui identifie les permissions et les traqueurs encapsulés dans les applications Android et iOS.

Aujourd’hui, /e/OS est disponible sur près de 200 marques et modèles de smartphones mais sa notoriété s’est faite lorsqu’il a équipé les célèbres (et coûteux) Fairphones, à partir de 2020, dans un partenariat qui proposait d’allier « protection de la planète et protection des données personnelles ».

En rappelant que 80% de l’impact environnemental d’un smartphone est lié à sa fabrication et à sa commercialisation, Gaël Duval explique comment /e/OS contribue à rendre les smartphones qui en sont équipés plus durables. « Notre objectif est de proposer au grand public un OS utilisable plus de 5 ans avec des logiciels à jour. Nous continuons, par exemple, de maintenir l’/e/OS installé sur les Samsung Galaxy 4 qui datent de 2015. » Selon Gaël Duval, l’équation est simple : pour produire un smartphone durable, il faut que le hardware soit réparable avec des pièces disponibles plus de 5 ans et que le software soit maintenu et à jour plus de 5 ans.

Une équation que pourrait reprendre à son compte Tristan Nitot, venu à l’OSXP pour une conférence au titre gentiment provocateur : Et si la loi de Moore disparaissait ?

Tristan Nitot, éminente figure de l’Open Source et du Libre, aujourd’hui directeur associé Communs numériques et Anthropocène au sein d’Octo Technology qu’il présente comme « une ESN mais bien », est revenu sur les conséquences économiques de la loi de Moore.

Énoncée dans les années 70, la loi de Moore, dont le nom fait référence à Gordon Moore (1929-2023), fondateur d’Intel, est une loi empirique qui affirme que « le nombre de transistors d’un circuit intégré double tous les 24 mois ». En d’autres termes, tous les deux ans, la puissance informatique d’une puce est multipliée par deux. Même si l’on constate un tassement depuis 2018, Tristan Nitot insiste : « cette loi a façonné l’industrie informatique de sorte que le hardware et le software se sont inscrits dans une complémentarité commerciale imparable ».

Ainsi, face à des programmes informatiques toujours plus lourds, étaient disponibles des processeurs toujours plus puissants. Et de rappeler la petite phrase qui se disait alors : « Tout ce qu’Intel vous donne en puissance, Microsoft vous le reprend ».

Mais aujourd’hui, alors que la crise climatique remet en question « nos certitudes industrielles », Tristan Nitot propose que le principe d’erooM (effet radicalement organisé d’optimisation en Masse) remplace la loi de Moore : « Optimiser tout logiciel d’un facteur deux, tous les deux ans », afin que le hardware, dont la fabrication est si polluante, soit renouvelé à un rythme moins frénétique.

Dans ce même esprit, au cours des conférences associées à la thématique Numérique responsable, des constats ont été dressés et des propositions d’action ont été suggérées. A l’heure où 6 des 9 limites planétaires [1] ont été franchies, difficile de ne pas entendre.

A bon entendeur…


[1] Entre 2009 et 2015, neuf limites planétaires ont été identifiées et caractérisées par des chercheurs internationaux, au-delà desquelles la viabilité de la planète pour l’humanité n’est plus assurée. Six limites ont été franchies. Celles du réchauffement climatique, de l’intégrité de la biosphère, de la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, de la modification de l’usage des sols, de la pollution chimique, et de la disponibilité de l’eau douce.